Dans un premier temps, enfant, l’art était mon jeu préféré.
Issue d’une famille méconnaissante du milieu des arts et où la culture en général, n’était même pas un mot connu, j’ai été initiée aux arts grâce à des parents qui me laissaient être curieuse, fonceuse et joyeuse.
Donc, même si je ne savais pas encore que je créais et que je faisais de l’art, eux non plus ne le savaient pas. Mes parents me laissaient, à six ans, creuser la terre de notre cours arrière et en la mélangeant avec de l’eau, je découvrais que je pouvais créer de petites sculptures, comme avec la plasticine. On n’avait rien à acheter, c’était juste là. J’ai su plus tard que nous avions un sol argileux.
Sans peut-être le savoir eux-mêmes, mes parents avaient confiance que moi et mon frère dépasserions leur niveau de connaissance. Nous étions libres de choisir des activités peu coûteuses mais qui nous plaisaient.
À l’école, au secondaire, je choisis l’option arts. J’ai appris à ce moment, grâce à une seule merveilleuse enseignante d’art qui me dit un jour ; «Sylvie, tu as la richesse de t’intéresser à tout. Tu ne seras peut-être pas une astrophysicienne, mais mieux encore, tu auras plein de choix».
J’ai su à ce moment que créer pouvait être un travail. Mais comment le concrétiser ?
J’ai étudié en arts plastiques au niveau collégial. Hélas avec des enseignants qui nous répétaient sans cesse ; vous allez crever de faim toute votre vie, vous allez vivre avec des colocs toute votre vie… Je voulais créer, mais pas crever et pour la solitaire que je suis, vivre avec des colocs toute ma vie…ouff
C’était en 1982, internet n’existait pas et en fouillant l’unique livre des métiers et profession du Cégep, je suis tombée sur une technique de photomécanique/chambre noire qui m’assurerait un travail bien rémunéré.
J’ai choisi cette technique qui me permit de créer des photomontages en chambre noire pour des agences de publicité et pour l’art. Ce choix me permit de travailler pendant 3 ans avec des artisans en arts graphiques, selon le mode de transfert de connaissances, compagnon-apprentis. J’ai adoré. J’en mangeais. Je faisais du photomontage en chambre noire, je développais de grandes diapositives 11 x 14 pouces, je faisais de la retouche sur émulsions gélatine [émulsion stripping], je créais des épreuves couleurs avec des pigments secs de toutes les couleurs…Je découvrais ce qu’était un travail de haute qualité.
Mais ce temps achevait déjà, l’aire numérique pointait du nez. En 1987 comme il n’y avait aucun endroit au Québec, pas même au Canada, où je pouvais me former en création numérique, la compagnie qui m’engageait m’envoya une première fois à N.Y et ensuite à Boston, Chicago pour être formée à créer des images numériques, en faisant des numérisations sur numériseur laser à tambour haut de gamme pour réaliser des images de très hautes définitions ainsi que des images de synthèse [totalement créé à partir de coordonnées et formules mathématiques]. J’ai collaboré à des projets de recherche scientifiques avec des informaticiens, des ingénieurs, des sommités dans le domaine. J’étais jeune et je pilotais un ordinateur gros comme un train qui avait coûté 2 millions de dollars et je créais des images pour quiconque pouvait payer 750 $ l’heure. C’était un peu irréel, la pression était grande pour moi, mais le défi tellement stimulant.
En parallèle j’ai toujours peint, jusqu’au jour, lors d’une exposition collective à Montréal, on me demanda d’exposer mes peintures et quelques oeuvres numériques imprimées sur toile. On est en 1990. Le numérique n’est pas accessible au grand public. Deux galeristes américains voient mon travail et veulent que je produise plusieurs oeuvres numériques pour leur galerie de Soho N.Y. J’étais impressionnée de leur offre, tout le monde me disait GO. Mais j’ai refusé. J’avais un travail que j’aimais, mon employeur avait investi beaucoup d’argent dans ma formation, je ne pouvais pas le laisser tomber et j’étais en début de carrière.
J’ai créé beaucoup d’images numériques et avec la venue des micro-ordinateurs, accessibles à tous, j’ai décroché de ce monde, devenue pour moi banal, étant accessible à tous, ce n’était plus l’originalité et la qualité de la création numérique qui était recherchée, plutôt sa diffusion de masse.
J’ai décidé en 2006 de consacrer tout mon temps à la peinture, à l’état brut. Peindre avec un minimum d’outils et de moyens et c’est ce que je fais depuis, mais mon passage en numérique fait de moi l’artiste peintre que je suis aujourd’hui.
Je possède ce bagage de composition de pixels, j’ai pu exceller dans le mélange des pigments, des couleurs d’encres pigmentées et ça aussi ça me sert en peinture. Les mélanges couleurs n’ont pas de secret pour moi. Je suis à l’étape de ma vie professionnelle où je peins la nature dans toute sa transformation violente, mais belle. La forêt dans laquelle je vis, à Orford, dans les Cantons de l’Est, est un puits sans fin d’inspiration. À tous les jours j’observe des microcosmes se créer ou se recréer. J’ai besoin de voir et de toucher la forêt pour me sentir bien en peignant. Je ne souhaite pas reproduire ce que je vois, je la crée comme elle me touche.
Maintenant que je me suis éloignée suffisamment du numérique, J’ai eu envie d’y revenir, mais à ma façon. J’ai débuté depuis 4 ans, des recherches approfondies qui m’amène à pouvoir créer des images de synthèse de paysages dépouillés innovants qui à leur tour offriront des traces de mon cheminement en peinture. Mes peintures, numériques ou analogiques contiennent des illusions de l’optique involontaires mais souhaitées, des intrigues visuelles qui font que ma signature graphique est présente dans les deux cas. Images de synthèse ou synthèse de mes peintures analogiques.